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Le même odor di bellezza montait de tout l’art français, comme une odeur de fraises et de framboises mûres monte des bois d’automne chauffés par le soleil. La musique était un de ces petits fraisiers, dissimulés dans l’herbe, mais dont l’haleine suffit à griser tout un bois. Christophe avait d’abord passé, sans le voir, habitué dans son pays à des buissons de musique, bien autrement touffus, aux baies plus éclatantes. Mais voici que le parfum délicat le faisait se retourner ; avec l’aide d’Olivier, il découvrait au milieu des pierres, des ronces, des feuilles mortes, qui usurpaient le nom de musique, l’art raffiné et ingénu d’une poignée de musiciens. Parmi les champs maraîchers et les fumées d’usines de la démocratie, au cœur de la Plaine-Saint-Denis, dans un petit bois sacré, des faunes insouciants dansaient. Christophe écoutait avec surprise leur chant de flûte, ironique et serein, qui ne ressemblait à rien de ce qu’il avait entendu :


Un petit roseau m’a suffi
Pour faire frémir l’herbe haute

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