Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 7.djvu/231

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

219
DANS LA MAISON

Le commandant riait, comme lui :

— Vous êtes un gaillard, monsieur Krafft. Dommage que vous ne soyez pas des nôtres !

— Mais je suis des vôtres ! C’est le même combat, partout. Serrons les rangs !

Le commandant approuvait ; mais les choses en restaient là. Alors, Christophe s’obstinait, remettant l’entretien sur M. Weil et sur les Elsberger. Et l’officier, qui n’était pas moins obstiné, reprenait ses éternels arguments contre les Juifs et contre les Dreyfusards, sans que tout ce que disait Christophe parût avoir le moindre effet sur lui.

Christophe s’en attristait. Olivier lui dit :

— Ne t’afflige pas. Un homme ne peut pas changer, d’un coup, tout un état d’esprit de toute une société. Ce serait trop beau ! Mais tu fais déjà beaucoup, sans t’en douter.

— Qu’est-ce que je fais ? dit Christophe.

— Tu es Christophe.

— Quel bien en résulte-t-il pour les autres ?

— Un très grand. Sois seulement ce que tu es, mon cher Christophe. Ne t’inquiète pas de nous.

Mais Christophe ne s’y résignait point. Il continuait de discuter avec le commandant Chabran, et parfois avec violence. Céline s’en amusait. Elle assistait à leurs entretiens, travaillant en silence. Elle ne se mêlait pas à la discussion ; mais elle paraissait plus gaie ; son regard avait un tout autre éclat : il semblait qu’il y eût plus d’espace,