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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

pour l’honneur, pour la joie. Eh bien, que ne faites-vous de même, ici ! Élargissez le combat. Ne vous chicanez pas pour des futilités de politique ou de religion. Ce sont des niaiseries. Que votre race soit la fille aînée de l’Église, ou celle de la Raison, cela n’importe guère. Mais qu’elle vive ! Tout est bien, qui exalte la vie. Il n’y a qu’un ennemi, c’est l’égoïsme jouisseur, qui tarit et souille les sources de la vie. Exaltez la force, exaltez la lumière, exaltez l’amour fécond, la joie du sacrifice, l’action. Et ne déléguez jamais à d’autres le soin d’agir pour vous. Agissez, agissez, unissez-vous ! Allons !…

Et il se mit, en riant, à taper sur le piano les premières mesures de la marche en si bémol de la Symphonie avec chœurs.

— Savez-vous, fit-il, en s’interrompant, si j’étais un de vos musiciens, Charpentier ou Bruneau (que le Diable emporte !), je vous mettrais ensemble, dans une symphonie chorale, Aux armes, citoyens !, l’Internationale, Vive Henri IV !, Dieu protège la France !, — toutes les herbes de la Saint-Jean, — (tenez, dans le genre de ceci…), — je vous ferais une de ces bouillabaisses, à vous emporter la bouche ! Ça serait rudement mauvais, — (pas plus mauvais, en tout cas, que ce qu’ils font) ; — mais je vous réponds que ça vous flanquerait le feu au ventre, et qu’il faudrait bien que vous marchiez !

Il riait de tout son cœur.