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Mais le plus difficile n’était pas encore tant de les amener à agir, que de les amener à agir ensemble. Là-dessus, ils étaient intraitables. Ils se boudaient les uns les autres. Les meilleurs étaient les plus obstinés. Christophe en avait un exemple dans sa propre maison : M. Félix Weil, l’ingénieur Elsberger, et le commandant Chabran vivaient entre eux sur un pied d’hostilité muette et courtoise. Et pourtant, si peu que Christophe les connût, il lui était facile de voir que, sous des étiquettes différentes de partis ou de races, ils voulaient tous la même chose.

M. Weil et le commandant auraient eu, en particulier, beaucoup de raisons pour s’entendre. Par un de ces contrastes fréquents chez les hommes de pensée, M. Weil, qui ne sortait pas de ses livres et vivait uniquement de la vie de l’esprit, était passionné de choses militaires. « Nous sommes tous de lopins », disait le demi-Juif Montaigne, appliquant à tous les hommes ce qui est vrai de certaines races d’esprits, comme celle à laquelle appartenait M. Weil. Ce vieil intellectuel avait le culte de Napoléon. Il s’entou-

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