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DANS LA MAISON

mier sentiment fut vaincu, il lui resta toujours un malaise, une gêne bizarre à se trouver avec cet homme en robe, qui était pour lui un être indéfinissable. Toutefois, son instinct sociable et le plaisir qu’il avait à causer avec des gens bien élevés l’emportèrent sur son anticléricalisme. Il était surpris du ton affable qui régnait entre M. Watelet et l’abbé Corneille ; il ne l’était pas moins de voir un prêtre qui était démocrate, et un révolutionnaire qui était aristocrate ; cela renversait toutes ses idées reçues. Il cherchait vainement dans quelles catégories sociales il pourrait les classer : car il avait besoin de classer les gens, pour les comprendre. Il n’était pas facile de trouver un compartiment où ranger la paisible liberté de ce prêtre, qui avait lu Anatole France et Renan, et qui en parlait tranquillement, avec justice et avec justesse. En matière de science, l’abbé Corneille avait pour règle de se laisser conduire par ceux qui savaient, plus que par ceux qui commandaient. Il honorait l’autorité ; mais elle n’était pas, pour lui, de même ordre que la science. Chair, esprit, charité : les trois ordres, les trois degrés de l’échelle divine, l’échelle de Jacob. — Naturellement, le brave Aubert était bien loin de comprendre, et même de soupçonner un tel état d’esprit. L’abbé Corneille disait doucement à Christophe que Aubert lui rappelait des paysans français, qu’il avait vus un jour. Une jeune Anglaise leur demandait son chemin. Elle leur