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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

L’ingénieur Elsberger ressentait aussi la contagion de l’optimisme de Christophe. Cela ne se traduisait pourtant pas par un changement dans ses habitudes : elles étaient trop invétérées ; et il ne fallait pas compter que son humeur devint jamais entreprenante, au point de lui faire quitter la France, pour aller chercher fortune ailleurs. C’eût été trop demander. Mais il sortait de son atonie ; il reprenait goût à des recherches, à des lectures, à des travaux scientifiques, qu’il avait laissés de côté depuis longtemps. On l’eût bien étonné, si on lui avait dit que Christophe était pour quelque chose dans ce réveil d’intérêt à son métier ; et le plus étonné eût été certainement Christophe.


De toute la maison, ceux avec qui il s’était lié le plus vite étaient le petit ménage du second. Plus d’une fois, en passant devant leur porte, il avait prêté l’oreille aux sons du piano, dont la jeune Mme Arnaud jouait avec goût, lorsqu’elle était seule. Là-dessus, il leur avait envoyé des billets pour son concert. Ils l’en avaient remercié avec effusion. Depuis, il allait de temps en temps chez eux, le soir. Jamais il n’avait pu réentendre la jeune femme : elle était trop timide pour jouer devant quelqu’un ; même lorsqu’elle était seule, maintenant qu’elle savait qu’on pouvait l’entendre de l’escalier, elle mettait la sourdine. Mais Christophe leur faisait de la musique ; et ils en causaient