Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 7.djvu/19

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

7
DANS LA MAISON

— Quel petit être nerveux ! pensait-il. On dirait une femme.

Il lui toucha doucement le genou.

— Allons, dit-il, croyez-vous que je vienne armé contre vous ? J’ai horreur de ceux qui font de la psychologie, aux dépens de leurs amis. Tout ce que je veux, c’est le droit pour tous deux d’être libres et sincères, de se livrer à ce qu’on sent, franchement, sans fausse honte, sans crainte de s’y enfermer pour jamais, sans peur de se contredire, — le droit d’aimer maintenant, et de n’aimer plus, la minute d’après. N’est-ce pas plus viril et plus loyal, ainsi ?

Olivier le regarda avec sérieux, et répondit :

— Il n’y a point de doute. Cela est plus viril, et vous êtes fort. Mais moi, je ne le suis guère.

— Je suis bien sûr que si, répondit Christophe ; mais c’est d’une autre façon. Au reste, je viens justement pour vous aider à être fort, si vous voulez. Car ce que je viens de dire me permet d’ajouter, avec plus de franchise que je n’en aurais eu sans cela, que — sans préjuger du lendemain, — je vous aime.

Olivier rougit jusqu’aux oreilles. Immobilisé par la gêne, il ne trouva rien à répondre.

Christophe promenait ses regards autour de lui. — Vous êtes bien mal logé. N’avez-vous pas d’autre chambre ?

— Un cabinet de débarras.