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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

vêtements. De pauvres souvenirs devaient leur être expédiés plus tard, par la petite vitesse : quelques livres, des portraits, l’antique pendule, dont le battement leur semblait le battement même de leur vie. — L’air était aigre. Personne n’était encore levé dans la ville ; les volets étaient clos, les rues vides. Ils se taisaient. La domestique seule parlait. Mme  Jeannin cherchait à graver en elle, pour la dernière fois, ces images qui lui rappelaient tout son passé.

À la gare, Mme  Jeannin, par amour-propre, prit des secondes classes, bien qu’elle se fût promis de prendre des troisièmes ; mais elle n’eut pas le courage de cette humiliation, en présence des deux ou trois employés du chemin de fer, qui la connaissaient. Elle se faufila précipitamment dans un compartiment vide, et s’y enferma, avec les petits. Cachés derrière les rideaux, ils tremblaient de voir apparaître une figure de connaissance. Mais personne ne se mon-