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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

profond sommeil. Mme  Jeannin le regarda avec émotion, et ne put se décider à le réveiller. Elle s’éloigna sur la pointe des pieds, et dit à Antoinette :

— Ne faisons pas de bruit : que le pauvre petit jouisse de ses dernières minutes ici !

Les deux femmes achevèrent de s’habiller et de finir les paquets. Autour de la maison, planait le grand silence des nuits où il fait froid, et où tout ce qui vit, les hommes et les bêtes, s’enfonce plus avidement dans le tiède sommeil. Antoinette claquait des dents : son cœur et son corps étaient glacés.

La porte d’entrée résonna dans l’air gelé. La vieille bonne, qui avait la clef de la maison, venait une dernière fois servir ses maîtres. Petite et grosse, le souffle court, et gênée par son embonpoint, mais singulièrement leste pour son âge, elle se montra, avec sa bonne figure emmitouflée, le nez rouge, et les yeux larmoyants. Elle fut désolée de voir que Mme  Jeannin s’était levée