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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

un état de terreur effrayant : il ne parlait de rien ; mais il était aigri, violent, dur, horriblement triste. Encore, quand il était avec des étrangers, continuait-il à simuler la gaieté ; mais il n’échappait à personne qu’il était changé : on l’attribuait à sa santé. Avec les siens, il se surveillait moins ; et ils avaient remarqué tout de suite qu’il cachait quelque chose de grave. Il n’était plus reconnaissable. Tantôt il faisait irruption dans une chambre, et il fouillait un meuble, jetant tous les papiers sens dessus dessous sur le parquet, et se mettant dans des rages folles, parce qu’il ne trouvait rien, ou qu’on voulait l’aider. Puis, il restait perdu au milieu de ce désordre ; et, quand on lui demandait ce qu’il cherchait, il ne le savait plus lui-même. Il ne paraissait plus s’intéresser aux siens ; ou il les embrassait, avec les larmes aux yeux. Il ne dormait plus. Il ne mangeait plus.

Mme Jeannin voyait bien qu’on était à la