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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

père, sans aptitude spéciale pour ce métier ; puisque tout avait bien marché depuis, il en faisait honneur à ses lumières naturelles. Il aimait à dire qu’il suffisait d’être honnête, appliqué, et d’avoir du bon sens ; et il pensait transmettre sa charge à son fils, sans plus s’inquiéter des goûts de celui-ci, que son père n’avait fait pour lui-même. Il ne l’y préparait point. Il laissait ses enfants pousser à leur gré, pourvu qu’ils fussent de braves enfants, et surtout qu’ils fussent heureux : car il les adorait. Aussi, les deux petits étaient-ils aussi mal préparés que possible à la lutte pour la vie : c’étaient des fleurs de serre. Mais ne devaient-ils pas toujours vivre ainsi ? Dans leur molle province, dans leur famille riche, considérée, avec un père aimable, gai, cordial, entouré d’amis, jouissant d’une des premières situations du pays, la vie était si facile et si riante !