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ANTOINETTE

ne doutait pas plus de la vérité des unes que des autres. Et, de même qu’il n’était pas sûr de ne pas connaître Schacabac aux lèvres fendues, et le barbier babillard, et le petit bossu de Casgar, de même que, lorsqu’il se promenait, il cherchait des yeux dans la campagne le pic noir qui porte dans son bec la racine magique du chercheur de trésors, Chanaan et la Terre Promise devenaient, par la vertu de son imagination d’enfant, des localités bourguignonnes ou berrichonnes. Une colline du pays, toute ronde, avec un petit arbre au sommet, comme un vieux plumet défraîchi, lui semblait la montagne où Abraham avait élevé son bûcher. Et un gros buisson mort, à la lisière des chaumes, était le Buisson ardent, que les siècles avaient éteint. Même quand il ne fut plus tout petit, et quand son sens critique commençait à s’éveiller, il aimait à se bercer encore des légendes populaires qui enguirlandent la foi ; et il y trouvait