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ANTOINETTE

canal ; parfois, le vacarme d’une foire sur la place voisine, les paysans en blouses bleues luisantes, et les cochons braillants… Et le dimanche, à l’église, le chantre qui chantait faux, le vieux curé qui s’endormait en disant la messe ; la promenade en famille sur l’avenue de la gare, où l’on passait son temps à échanger des coups de chapeau cérémonieux avec d’autres malheureux, qui se croyaient également obligés à se promener ensemble, — jusqu’à ce qu’enfin on arrivât dans les champs ensoleillés, au-dessus desquels les alouettes se balançaient, invisibles, — ou le long du canal miroitant et mort, des deux côtés duquel les peupliers alignés frissonnaient… Et puis, c’étaient les grands dîners de province, les mangeries interminables, où l’on parlait de mangeaille, avec science et volupté : car il n’y avait là que des connaisseurs ; et la gourmandise est, en province, la grande occupation, l’Art par excellence. Et l’on parlait aussi d’affaires,