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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

lèvres et son cœur ; il avait gaspillé avec imprévoyance l’amour qu’il en avait reçu, et dont il eût voulu maintenant recueillir jusqu’aux moindres gouttelettes… Quelle émotion il eut, quand, feuilletant un des livres de poésie d’Antoinette, il y trouva, sur un chiffon de papier, ces mots écrits au crayon :

— « Olivier, mon cher Olivier !… »

Il fut sur le point de défaillir. Il sanglotait, pressant contre ses lèvres la bouche invisible, qui de la tombe lui parlait. — Depuis ce jour, il prit chacun de ses livres, et chercha page par page si elle n’y avait point laissé quelque autre confidence. Il trouva le brouillon de la lettre à Christophe. Il apprit alors le roman silencieux, qui s’était ébauché en elle ; il pénétra pour la première fois dans sa vie sentimentale, qu’il ignorait jusqu’ici, et qu’il n’avait pas cherché à connaître ; il revécut les derniers jours de trouble, où, abandonnée par lui, elle tendait les bras