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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

gent. Il espérait que ceux qui semblaient s’intéresser à lui comprendraient sa détresse de ne pouvoir sauver ce qui avait été à elle. Mais personne ne parut comprendre. Avec de l’argent emprunté en partie, en partie gagné par des répétitions, il loua une mansarde, où il entassa tout ce qu’il put faire tenir des meubles de sa sœur : son lit, sa table, son fauteuil. Il s’y fit un sanctuaire de son souvenir. Il allait s’y réfugier, les jours où il était abattu. Ses camarades croyaient qu’il avait une liaison. Il était là, pendant des heures, à rêver d’elle, le front dans les mains : car il avait le malheur de ne posséder aucun portrait d’elle, qu’une petite photographie, prise quand elle était enfant, et qui les représentait tous deux ensemble. Il lui parlait. Il pleurait… Où était-elle ? Ah ! si elle avait été seulement à l’autre bout du monde, en quelque endroit que ce fût, si inaccessible que ce fût, — avec quelle joie, quelle ardeur invincible, il se fût lancé