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ANTOINETTE

qui avait eu pour elle un regard de bonté. Son cœur plein de tendresse et d’angoisse lui criait, dans la nuit :

— Au secours ! Sauvez-moi !

Elle se souleva toute fiévreuse pour allumer la lampe, pour prendre du papier, une plume. Elle écrivit à Christophe. Jamais cette fille rougissante et fière n’eût pensé seulement à lui écrire, si elle n’avait été alors livrée à la maladie. Elle ne savait ce qu’elle écrivait. Elle n’était plus maîtresse d’elle-même. Elle l’appelait, elle lui disait qu’elle l’aimait… Au milieu de sa lettre, elle s’arrêta, épouvantée. Elle voulut refaire la lettre : son élan était brisé ; sa tête était vide et brûlante ; elle avait une peine horrible à trouver ses mots ; la fatigue l’écrasait. Elle avait honte… À quoi bon tout cela ? Elle savait bien qu’elle cherchait à se duper, qu’elle n’enverrait jamais cette lettre… Quand même elle l’eût voulu, comment l’eût-elle fait parvenir ? Elle n’avait pas