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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

revoir. Il commença pourtant à jouer, au milieu de l’ennui résigné du public ; mais les remarques désobligeantes, échangées à voix haute entre deux auditeurs des dernières galeries, continuèrent d’aller leur train, pour la joie du reste de la salle. Alors il s’interrompit ; par une incartade d’enfant terrible, il joua avec un doigt l’air : Malbrough s’en va-t-en guerre, puis, se levant du piano, il dit en face au public :

— Voilà ce qu’il vous faut !

Le public, un moment incertain sur les intentions du musicien, éclata en vociférations. Une scène de vacarme invraisemblable suivit. On sifflait, on criait :

— Des excuses ! Qu’il vienne faire des excuses !

Les gens, rouges de colère, s’excitaient, tâchaient de se persuader qu’ils étaient réellement indignés ; et peut-être ils l’étaient, mais surtout, ils étaient ravis de cette occasion de faire du bruit, et de se détendre :