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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

tomba. La maladie, qui depuis plus d’un an se préparait en elle, et que son énergie repoussait, eut désormais le champ libre.

Seule, chez elle, elle passait ses soirs à se ronger, au coin du feu éteint ; elle n’avait pas le courage de le rallumer, elle n’avait pas la force de se coucher ; elle restait assise jusqu’au milieu de la nuit, s’assoupissant, levant et grelottant. Elle revivait sa vie, elle était avec ses chers morts, avec ses illusions détruites ; et une tristesse affreuse la prenait de sa jeunesse perdue, sans amour, sans espérance d’amour. Une sourde douleur, obscure, inavouée… Le rire d’un enfant dans la rue, son trottinement hésitant à l’étage au-dessous… Ces petits pieds lui marchaient dans le cœur… Des doutes l’assiégeaient, de mauvaises pensées, la contagion de l’âme de cette ville d’égoïsme et de plaisir sur son âme affaiblie. — Elle combattait ces regrets, elle avait honte de certains désirs qu’elle trouvait criminels ; elle