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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

tant. Le dernier soir, ils restèrent très tard, au coin du feu, Antoinette assise dans l’unique fauteuil de l’appartement, Olivier sur un tabouret à ses pieds, se faisant câliner, suivant son habitude de grand enfant gâté. Il était soucieux — curieux néanmoins — de la vie nouvelle qui allait commencer. Antoinette ne cessait de penser que c’était fini de leur chère intimité, et se demandait avec terreur ce qui adviendrait d’elle. Comme s’il voulait lui rendre cette pensée plus cuisante, il ne fut jamais si tendre que ce dernier soir, avec la coquetterie instinctive et innocente de ces êtres qui attendent l’heure du départ pour montrer tout ce qu’ils ont de meilleur et de plus charmant. Il se mit au piano, et lui joua longuement les pages qu’ils aimaient le mieux de Mozart et de Gluck, — ces visions de bonheur attendri et de tristesse sereine, auxquelles était associée tant de leur vie passée.