Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 6.djvu/226

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

210
JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

monde, loin de tout, si loin !… Elle n’y pouvait plus rentrer : toutes ces conversations, ce bruit, ces rires, ces petits intérêts, l’ennuyaient, la lassaient, la blessaient presque. Elle souffrait d’être ainsi : elle eût voulu ressembler à ces autres jeunes filles, s’intéresser à ce qui les intéressait, rire de ce qui les faisait rire… Elle ne pouvait plus !… Elle avait le cœur serré, il lui semblait qu’elle était morte. Le soir, elle s’enfermait chez elle ; et souvent, elle n’allumait même pas sa lumière ; elle restait assise dans l’obscurité, tandis qu’Olivier s’amusait, en bas, dans le salon, s’abandonnant à la douceur d’un de ces petits amours romanesques, dont il était coutumier. Elle ne sortait de son engourdissement que quand elle l’entendait remonter à son étage, riant et bavardant encore avec ses amies, échangeant d’interminables bonsoirs sur le pas de leurs portes, sans pouvoir se décider à se séparer d’elles. Alors Antoinette souriait dans sa