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ANTOINETTE

de l’horizon ; l’angelus grêle et touchant que le vent apportait du lointain, à un arrêt du train au milieu de la campagne assoupie ; les graves silhouettes d’un troupeau de vaches qui rêvaient sur un talus, au-dessus du chemin, — tout absorbait l’attention d’Antoinette, comme celle de son frère, tout leur semblait nouveau. Ils étaient comme deux arbres desséchés, qui boivent l’eau du ciel avec délices.

Puis, ce fut, au matin, la douane suisse, où il fallut descendre. Une petite gare en rase campagne. On avait un peu mal au cœur de la mauvaise nuit, et on était frissonnant de la fraîcheur humide de l’aube ; mais il faisait calme, le ciel était pur, le souffle des prairies montait autour de vous, coulait dans votre bouche, sur votre langue, le long de votre gorge, jusqu’au fond de votre poitrine, comme un petit ruisseau ; et l’on prenait, debout, à une table en plein air, le café chaud qui ranime, avec le lait