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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

le lit auprès de lui, quand elle l’eut pris dans ses bras, quand il l’eut prise dans ses bras, quand il sentit sous ses lèvres la joue délicate, dans ses mains les mains glacées par la nuit de voyage, quand il fut sûr enfin que c’était bien sa sœur, sa petite, il se mit à pleurer. Il ne savait faire que cela : il était toujours resté « le petit serin » qu’il était, enfant. Il la serrait contre lui, de peur qu’elle ne lui échappât de nouveau. Comme ils étaient changés tous deux ! Quelle triste mine ils avaient !… N’importe ! ils s’étaient retrouvés : tout redevenait lumineux, l’infirmerie, le lycée, le jour sombre ; ils se tenaient l’un l’autre, ils ne se lâcheraient plus. Avant qu’elle lui eût rien dit, il lui fit jurer qu’elle ne partirait plus. Il n’avait pas besoin de le lui faire jurer : non, elle ne partirait plus, ils avaient été trop malheureux, éloignés l’un de l’autre ; leur mère avait raison : tout valait mieux que la séparation. Même la misère,