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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

tenir tous deux, il fallait tenir. Elle n’avait plus l’énergie de prendre une décision : le matin, sa vaillance renaissait ; mais, à mesure qu’approchait l’ombre du soir, sa force défaillait, elle pensait à fuir. Elle avait le mal du pays, — de ce pays qui avait été bien dur pour elle, mais où étaient ensevelies toutes les reliques de son passé, — elle avait la nostalgie de cette langue que parlait son frère, et dans laquelle s’exprimait son amour pour lui.

Ce fut alors qu’une troupe de comédiens français passa par la petite ville allemande. Antoinette, qui allait bien rarement au théâtre, — (elle n’en avait ni le temps, ni le goût) — fut prise, cette fois, du besoin irrésistible d’entendre parler sa langue, de se réfugier en France. On sait le reste[1]. Il n’y avait plus de places au théâtre ; elle rencontra le jeune musicien Jean-Christophe,

  1. Voir Jean-Christophe, iv. La Révolte.