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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

à reconnaître ce devoir de conscience, il fallait, concluaient-ils, qu’elle ne se sentît pas complètement sans reproches : une fille honnête n’a rien à cacher. »

Ainsi s’établissait autour d’Antoinette une persécution de tous les instants, contre laquelle elle se tenait constamment en défense, et qui la faisait paraître encore plus froide et plus concentrée qu’à l’ordinaire.

Son frère lui écrivait, chaque jour, des lettres de douze pages ; et elle réussissait aussi, chaque jour, à lui écrire, ne fût-ce que deux ou trois lignes. Olivier s’efforçait d’être un brave petit homme et de ne pas trop montrer son chagrin. Mais il mourait d’ennui. Sa vie avait toujours été si indissolublement liée à celle de sa sœur, que maintenant qu’on l’en avait arrachée, il lui semblait avoir perdu la moitié de son être : il ne savait plus user de ses bras, de ses jambes, de sa pensée, il ne savait plus se promener, il ne savait plus jouer du piano,