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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

écrivait. Quand elle lisait une lettre, on lui demandait ce qu’il y avait dedans ; avec une familiarité goguenarde, on s’informait du « petit frère ». Il lui fallait se cacher. On rougirait de raconter à quels expédients elle était contrainte parfois, et dans quels réduits elle devait s’enfermer, pour lire, sans être vue, les lettres d’Olivier. Si elle laissait une lettre traîner dans sa chambre, elle était sûre qu’on la lisait ; et, comme elle n’avait, en dehors de sa malle, aucun meuble qui fermât, elle était obligée d’emporter sur elle tous les papiers qu’elle ne voulait pas qu’on lût : on furetait constamment dans ses affaires et dans son cœur, on s’efforçait de crocheter les secrets de sa pensée. Ce n’était pas que les Grünebaum s’y intéressassent. Mais ils jugeaient qu’elle leur appartenait, puisqu’ils la payaient. Au reste, ils n’y mettaient pas malice : l’indiscrétion était chez eux une habitude invétérée ; ils ne s’en offusquaient pas entre eux.