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ANTOINETTE

Ils étaient rogues et familiers, indifférents et indiscrets ; ils payaient assez bien : moyennant quoi, ils regardaient comme leur obligé celui qui touchait leur argent, et ils se croyaient tout permis avec lui. Ils traitaient Antoinette comme une sorte de domestique, un peu plus relevée, et ne lui laissaient presque aucune liberté. Elle n’avait même pas de chambre à elle : elle couchait dans un cabinet attenant à la chambre des enfants, et dont la porte restait ouverte, la nuit. Elle n’était jamais seule. On ne respectait pas le besoin qu’elle avait de se réfugier de temps en temps en elle-même, — le droit sacré qu’a tout être à la solitude intérieure. Tout son bonheur était de se retrouver mentalement avec son frère, de converser avec lui ; elle profitait des moindres instants de liberté. Mais on les lui disputait. Dès qu’elle écrivait un mot, on rôdait autour d’elle, dans la chambre, on l’interrogeait sur ce qu’elle