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ANTOINETTE

l’épreuve finale. Avant tout, il fallait vivre, et chercher d’autres ressources. Antoinette accepta une place d’institutrice, qu’on lui offrait en Allemagne, grâce aux Nathan. C’était le dernier parti auquel elle se fût arrêtée : mais il n’en était pas d’autre, pour le moment, et elle ne pouvait attendre. Jamais elle n’avait quitté son frère, un seul jour, depuis six ans ; et elle ne concevait même pas ce que pourrait être sa vie maintenant, sans le voir et l’entendre, chaque jour. Olivier n’y pensait pas sans terreur ; mais il n’osait rien dire : cette misère était sa faute ; s’il avait été reçu, Antoinette n’eût pas été réduite à cette extrémité ; il n’avait pas le droit de s’y opposer, de mettre en ligne de compte son propre chagrin : elle seule devait décider.

Ils passèrent les dernières journées ensemble dans une douleur muette, comme si l’un d’eux allait mourir ; ils allaient se cacher, quand leur peine était trop forte.