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ANTOINETTE

mariage. Les Juifs sont moins bassement avides d’argent. Il n’est pas rare de voir chez eux un jeune homme riche vouloir, choisir une jeune fille pauvre, ou une jeune fille qui a de la fortune chercher passionnément un homme qui ait de l’intelligence. Mais chez le bourgeois français, catholique et provincial, presque toujours le sac cherche le sac. Et pourquoi faire, les malheureux ? Ils n’ont que des besoins médiocres ; ils ne savent que manger, bâiller, dormir, — économiser. Antoinette les connaissait. Elle les avait vus, depuis l’enfance. Elle les avait vus avec les lunettes de la richesse, et avec celles de la pauvreté. Elle n’avait plus d’illusions sur eux, ni sur ce qu’elle en pouvait attendre. Aussi, la démarche de l’homme qui lui demanda de l’épouser lui fut-elle d’une douceur inespérée. Sans qu’elle pensât l’aimer d’abord, elle se sentait pénétrée pour lui, peu à peu, d’une reconnaissance et d’une tendresse pro-