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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

évita de répondre, demanda de nouveau la quittance, dit qu’elle était pressée, salua froidement, et partit. Les Poyet furent indignés contre l’ingratitude de cette fille.

Alors, délivrée de cette obsession, Antoinette continua la même vie de privations, mais pour son frère maintenant. Seulement, elle se cachait davantage, pour qu’il ne le sût pas ; elle économisait sur sa toilette, et parfois sur sa faim, pour la toilette de son frère et pour ses distractions, pour rendre sa vie plus douce et plus ornée, pour lui permettre d’aller de temps en temps au concert, ou même au théâtre de musique, — le plus grand bonheur d’Olivier. Il n’eût pas voulu y aller sans elle ; mais elle trouvait des prétextes pour s’en dispenser et lui enlever ses remords : elle prétendait qu’elle était trop lasse, qu’elle n’avait pas envie de sortir ; elle allait jusqu’à assurer que cela l’ennuyait. Il n’était pas dupe de ce mensonge d’amour ; mais son égoïsme d’enfant