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ANTOINETTE

alla chez les Poyet, un soir. Elle fut reçue sans bienveillance : car ils croyaient qu’elle venait demander des secours. Ils jugèrent bon de prendre les devants, en lui reprochant sèchement de ne leur avoir donné aucune nouvelle, de ne leur avoir même pas appris la mort de sa mère, et de ne venir chez eux que quand elle avait besoin d’eux. Elle les interrompit tranquillement, en disant qu’elle n’avait pas l’intention de les déranger : elle venait simplement rapporter l’argent, qu’elle leur avait emprunté ; et, déposant sur la table les deux billets de banque, elle demanda quittance. Ils changèrent aussitôt de manières, et feignirent de ne pas vouloir accepter : ils éprouvaient pour elle cette affection subite, que ressent le créancier pour le débiteur qui lui rapporte, après des années, l’argent d’une créance sur laquelle il ne comptait plus. Ils cherchèrent à savoir où elle habitait avec son frère, et comment ils vivaient. Elle