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ANTOINETTE

Mme  Jeannin prit un appartement au quatrième, dans le voisinage du Jardin des Plantes. Les chambres donnaient sur les murs lépreux d’une cour obscure ; la salle à manger, et le salon — (car Mme  Jeannin tenait à avoir un salon) — sur une rue populeuse. Tout le jour, passaient des tramways à vapeur, et des corbillards, dont la file allait s’engouffrer dans le cimetière d’Ivry. Des Italiens pouilleux, avec une racaille d’enfants, flânaient sur les bancs, ou se disputaient aigrement. On ne pouvait laisser les fenêtres ouvertes, à cause du bruit ; et, le soir, quand on revenait chez soi, il fallait fendre le flot d’une populace affairée et puante, traverser les rues encombrées, aux pavés boueux, passer devant une répugnante brasserie, installée au rez-de-chaussée de la maison voisine, et à la porte de laquelle des filles énormes et bouffies, aux cheveux jaunes, plâtrées et grasses de fard, dévisageaient les passants avec de sales regards.