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ANTOINETTE

ne furent pas plus accueillants que le père et la mère. La fillette, très élégante et très coquette, leur parlait, en zézayant, d’un air de supériorité polie, avec des manières affectées et sucrées, qui les déconcertaient. Le garçon était assommé de cette corvée du dîner avec les parents pauvres ; et il fut aussi maussade que possible. Mme  Poyet-Delorme, droite et raide sur sa chaise, semblait toujours, même quand elle offrait d’un plat, faire la leçon à sa sœur. M. Poyet-Delorme parlait de niaiseries, pour éviter qu’on parlât de choses sérieuses. L’insipide conversation ne sortait pas de ce qu’on mange, par crainte de tout sujet intime et dangereux. Mme  Jeannin fit un effort pour amener l’entretien sur ce qui lui tenait à cœur : Mme  Poyet-Delorme l’interrompit net, par une parole insignifiante. Elle n’eut plus le courage de recommencer.

Après dîner, elle obligea sa fille à jouer un morceau de piano, pour montrer son