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la révolte

dhiste, — il ne savait trop lui-même, — apôtre d’une morale molle et désossée, indulgente, bénisseuse, facile à vivre, qui pardonnait avec effusion à tous les péchés, surtout aux péchés voluptueux, qui ne cachait point sa prédilection pour eux, qui pardonnait beaucoup moins aux vertus, — une morale qui n’était qu’un traité du plaisir, une association libertine de complaisances mutuelles, qui s’amusait à ceindre l’auréole de la sainteté. Il y avait là une petite hypocrisie qui ne sentait pas très bon pour les odorats délicats, et qui aurait pu même être franchement écœurante, si elle s’était prise au sérieux. Mais elle n’y prétendait pas ; elle s’amusait d’elle-même. Ce christianisme polisson n’attendait d’ailleurs qu’une occasion pour céder le pas à quelque autre marotte, — n’importe laquelle : celle de la force brutale, de l’impérialisme, des « lions qui rient ». — Mannheim se donnait la comédie ; il se la donnait de tout son cœur ; il endossait tour à tour tous les sentiments qu’il n’avait pas, avant de redevenir un bon vieux Juif comme les autres, avec tout l’esprit de sa race. Il était très sympathique et extrêmement agaçant.