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Schulz reprit le chemin de la ville, où il parvint, non sans avoir trébuché plus d’une fois dans les ornières, ou contre les tas de pierres élevés le long de la route. Il ne rentra pas chez lui, avant d’être passé chez le pâtissier, pour lui commander une certaine tarte, qui était la gloire de la ville. Puis, il revint à sa maison ; mais, au moment d’y rentrer, il rebroussa chemin, pour aller s’informer à la gare de l’heure exacte de l’arrivée des trains. Enfin, il rentra, appela Salomé, et discuta longuement avec elle le dîner du lendemain. Alors seulement, il se coucha, harassé ; mais il était aussi surexcité qu’un enfant, dans la veillée de Noël, et il se retourna toute la nuit dans ses draps, sans trouver un instant de sommeil. Vers une heure du matin, il eut l’idée de se lever, pour aller dire à Salomé de faire plutôt, pour le dîner, une carpe à l’étuvée ; car elle réussissait ce plat à merveille. Il ne le lui dit pas : et il fit bien, sans doute. Il ne s’en leva pas moins pour arranger diverses choses dans la chambre qu’il destinait à Christophe ; il prenait mille précautions, pour que Salomé ne l’entendît pas : car il craignait d’être grondé. Toute la nuit, il eut peur de manquer l’heure du train, bien que Christophe ne dût pas arriver avant huit heures. Il fut debout, de grand matin. Son premier regard fut pour le ciel : Kunz ne s’était pas trompé, il faisait un temps magnifique. Sur la pointe des pieds, Schulz descendit à sa cave, où il n’allait plus depuis longtemps, de peur du froid et des escaliers raides ; il y fit un choix de ses meilleures bouteilles, se heurta rudement la tête contre

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