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Jean-Christophe

Puis, il rendit le précieux papier à Schulz, qui riait d’aise, le regarda en hochant la tête, et répétant :

— Ah ! bien !… ah ! bien !…

Après avoir réfléchi un instant, aspiré et expiré une grosse bouffée de tabac, il posa sa main sur le genou de Schulz, et dit :

— Il faut avertir Pottpetschmidt.

— J’y allais, dit Schulz.

— Je viens avec toi, dit Kunz.

Il rentra pour déposer la lampe, et revint aussitôt. Les deux vieux s’en allèrent, bras dessus bras dessous. Pottpetschmidt habitait à l’autre bout du village. Schulz et Kunz échangeaient des mots distraits, en ruminant la nouvelle. Tout à coup, Kunz s’arrêta, et tapa le sol, de sa canne :

— Ah ! tonnerre ! fit-il… Il n’est pas ici !…

Il se rappelait maintenant que Pottpetschmidt avait dû partir dans l’après-midi pour une opération dans une ville voisine, où il devait passer la nuit et séjourner un jour ou deux. Schulz était consterné. Kunz ne l’était pas moins. Ils étaient fiers de Pottpetschmidt ; ils eussent voulu s’en faire honneur. Ils restaient au milieu de la route, ne sachant que décider.

— Comment faire ? Comment faire ? demandait Kunz.

— Il faut absolument que Krafft entende Pottpetschmidt, disait Schulz.

Il réfléchit, et dit :

— Il faut lui envoyer une dépêche.

Ils allèrent au télégraphe, et composèrent ensemble une dépêche longue et émue, à laquelle il était difficile de rien comprendre. Puis, ils revinrent. Schulz calculait :

— Il pourra être encore ici demain matin, en prenant le premier train.

Mais Kunz fit remarquer qu’il était trop tard, et que la dépêche ne lui serait remise sans doute que le lendemain. Schulz hocha la tête ; et ils se répétaient :

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