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la révolte

Il fit de nouveau une grimace de dégoût.

Elle sourit, et dit tout bas :

— Malgré tout, c’est beau.

Il remarqua son accent, et demanda :

— Vous êtes étrangère ?

— Oui, fit-elle.

Il regarda sa modeste petite robe :

— Institutrice ? dit-il.

Elle rougit, et dit :

— Oui.

— Quel pays ?

Elle dit :

— Je suis Française.

Il fit un geste d’étonnement :

— Française ? Je ne l’aurais jamais cru.

— Pourquoi ? demanda-t-elle timidement.

— Vous êtes si… sérieuse ! dit-il.

(Elle pensa que ce n’était pas tout à fait un compliment dans sa bouche.)

— Il y en a aussi comme cela en France, dit-elle, toute confuse.

Il regardait son honnête petite figure, au front bombé, au petit nez droit, au menton fin, ses joues maigres qu’encadraient ses cheveux châtains. Il ne la voyait pas : il pensait à la belle actrice. Il répéta :

— C’est curieux que vous soyez Française !… Vraiment, vous êtes du même pays qu’Ophélie ? On ne le croirait jamais.

Il ajouta, après un instant de silence :

— Comme elle est belle !

sans s’apercevoir qu’il avait l’air d’établir entre elle et sa voisine une comparaison désobligeante pour celle-ci. Elle la sentit très bien ; mais elle n’en voulut pas à Christophe : car elle pensait comme lui. Il essaya d’avoir d’elle quelques détails sur l’actrice ; mais elle ne savait rien : on voyait qu’elle était très peu au courant des choses de théâtre.

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