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Le soir, après dîner, quand il faisait très chaud, on ne pouvait rester dans la cour étouffante, où le soleil donnait, toute l’après-midi. Le seul endroit de la maison où l’on respirât un peu était le côté de la rue. Euler et son gendre allaient quelquefois s’asseoir sur le pas de leur porte, avec Louisa. Madame Vogel et Rosa n’apparaissaient qu’un instant : elles étaient retenues par les soins du ménage ; madame Vogel mettait son amour-propre à bien montrer qu’elle n’avait pas le temps de flâner ; et elle disait, assez haut pour qu’on l’entendît, que tous ces gens qui étaient là, à bâiller sur leurs portes, sans faire œuvre de leurs dix doigts, lui donnaient sur les nerfs. Ne pouvant — (elle le regrettait) — les forcer à s’occuper, elle prenait le parti de ne pas les voir, et elle rentrait travailler rageusement. Rosa se croyait obligée de l’imiter. Euler et Vogel trouvaient des courants d’air partout, ils craignaient de se refroidir, et remontaient chez eux ; ils se couchaient fort tôt, et se seraient crus perdus s’ils avaient changé la moindre chose à leurs habitudes. À partir de neuf heures, il ne restait plus que Louisa et Christophe. Louisa passait ses journées dans sa chambre ; et, le soir, Christophe s’obligeait, quand il le pouvait, à lui tenir compagnie, pour la forcer à prendre un peu l’air. Seule, elle ne fût point sortie : le bruit de la rue l’effarait. Les enfants se poursuivaient avec des cris aigus. Tous les chiens du quartier y répondaient avec

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