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Dans une aile de la maison, de l’autre côté de la cour, logeait au rez-de-chaussée une jeune femme de vingt ans, veuve depuis quelques mois, avec une petite fille. Madame Sabine Froehlich était aussi locataire du vieux Euler. Elle occupait la boutique qui donnait sur la rue, et elle avait de plus deux chambres sur la cour, avec jouissance d’un petit carré de jardin, séparé de celui des Euler par une simple clôture de fil de fer, où s’enroulait du lierre. On l’y voyait rarement ; l’enfant s’y amusait seule, du matin au soir, à tripoter la terre ; et le jardin poussait comme il voulait, au grand mécontentement du vieux Justus, qui aimait les allées ratissées et le bel ordre dans les parterres. Il avait essayé de faire à sa locataire quelques observations à ce sujet ; mais c’était probablement pour cela qu’elle ne se montrait plus ; et le jardin n’en allait pas mieux.

Madame Froehlich tenait une petite mercerie, qui aurait pu être assez achalandée, grâce à sa situation, dans une rue commerçante, au cœur de la ville ; mais elle ne s’en occupait pas beaucoup plus que du jardin. Au lieu de faire son ménage elle-même, comme il convenait, selon madame Vogel, à une femme qui se respecte, — surtout quand elle n’est pas dans une situation de fortune qui permette, sinon excuse l’oisiveté, — elle avait pris une petite servante, une fille de quinze ans,

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