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Un nouveau cycle des jours commença. Jours d’or et de fièvre, mystérieux et enchantés, comme lorsqu’il était enfant, et qu’il découvrait, une à une, les choses, pour la première fois. De l’aube au crépuscule, il vivait dans un mirage perpétuel. Toutes ses occupations étaient abandonnées. Le consciencieux garçon, qui durant des années n’avait pas manqué, même malade, une leçon, ni une répétition d’orchestre, trouvait à chaque instant de mauvais prétextes pour esquiver le travail. Il ne craignait pas de mentir. Il n’en avait point de remords. Les principes de vie stoïques, sous lesquels il avait eu plaisir jusque là à ployer sa volonté : la morale, le Devoir, lui apparaissaient maintenant sans vérité, sans raison. Leur despotisme jaloux se brisait contre la Nature. La saine, la forte, la libre nature humaine, voilà la seule vertu : au diable tout le reste ! Il y avait de quoi rire de pitié, de voir les petites règles tatillonnes de politique prudente, que le monde décore du nom de morale, et où il prétend enfermer la vie. Ridicules taupinières, peuple de fourmis ! La vie se charge de les mettre à la raison. Elle n’a qu’à passer, et tout est balayé…

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