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Jean-Christophe

qui est au musée de Bâle, — la fille du bourgmestre Meier, — assise, les yeux baissés, les mains sur ses genoux, ses cheveux pâles dénoués sur ses épaules, l’air gêné et honteux de son nez disgracieux. Mais Rosa jusqu’ici ne s’en inquiétait guère, et cela ne troublait point son caquet inlassable. On entendait sans cesse sa voix aiguë qui racontait des histoires, toujours essoufflée, comme si elle n’avait jamais le temps de tout dire, et toujours excitée et pleine d’entrain, en dépit des gronderies qu’elle essuyait de sa mère, de son père, du grand-père lui-même, exaspérés, moins parce qu’elle parlait toujours, que parce qu’elle les empêchait de parler. Car ces excellentes gens, bons, loyaux, dévoués, — la crème des honnêtes gens, — avaient presque toutes les vertus ; mais il leur en manquait une qui est capitale, et fait le charme de la vie : la vertu du silence.