Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 3.djvu/26

Cette page a été validée par deux contributeurs.
Jean-Christophe

— Oui, dit-elle docilement.

Elle essaya de se lever, pour remettre les objets dans le tiroir. Mais elle se rassit aussitôt, laissant retomber avec découragement ce qu’elle avait pris.

— Ah ! je ne peux pas, je ne peux pas, gémit-elle, je n’en viendrai jamais à bout !

Il fut effrayé. Il se pencha sur elle. Il lui caressa le front avec ses mains.

— Voyons, maman, qu’est-ce que tu as ? dit-il. Veux-tu que je t’aide ? Est-ce que tu es malade ?

Elle ne répondait pas. Elle avait une sorte de sanglot intérieur. Il lui prit les mains, il se mit à genoux devant elle, pour la mieux voir dans la demi-ombre de la chambre.

— Maman ! dit-il, inquiet.

Louisa, le front appuyé sur son épaule, s’abandonna à une crise de larmes.

— Mon petit, répétait-elle, en se serrant contre lui, mon petit !… Tu ne me quitteras pas ? Promets-moi, tu ne me quitteras pas ?

Il avait le cœur déchiré de pitié :

— Mais non, maman, je ne te quitterai pas. Qu’est-ce que c’est que cette idée ?

— Je suis si malheureuse ! Ils m’ont tous quittée, tous…

Elle montrait les objets qui l’entouraient, et l’on ne savait si elle parlait d’eux, ou de ses fils et de ses morts.

— Tu resteras avec moi ? Tu ne me quitteras pas ?… Qu’est-ce que je deviendrais, si tu t’en allais aussi ?

— Je ne m’en irai pas. Je te le dis, nous resterons ensemble. Ne pleure plus. Je te le promets.

10