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Jean-Christophe

brassèrent affectueusement. Le petit colporteur s’en alla, de son pas fatigué. Christophe resta, pensif, le regardant s’éloigner. Il se redisait le mot de l’oncle :

Als ich kann (Comme je peux).

Et il sourit, pensant :

— Oui… Tout de même… C’est assez.

Il revint vers la ville. La neige durcie craquait sous ses souliers. La bise aigre d’hiver faisait tressaillir, sur la colline, les branches nues des arbres rabougris. Elle rougissait ses joues, elle brûlait sa peau, elle fouettait son sang. Les toits rouges des maisons, en bas, riaient au soleil éclatant et froid. L’air était fort et dur. La terre glacée semblait jubiler d’une âpre allégresse. Le cœur de Christophe était comme elle. Il pensait :

— Je me réveillerai aussi.

Il avait encore des larmes aux yeux. Il les essuya du revers de sa main, et regarda en riant le soleil qui s’enfonçait sous un rideau de vapeurs. Les nuées, lourdes de neige, passaient au-dessus de la ville, fouettées par la bourrasque. Il leur fit un pied de nez. Le vent glacial soufflait…

— Souffle, souffle !… Fais ce que tu veux de moi ! Emporte-moi !… Je sais bien où j’irai.