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l’adolescent

— Je dis : Attendons. Ce n’était pas la peine de me faire courir si vite.

— C’est vrai.

Ils attendirent, couchés tous deux, sur le sol raboteux. Myrrha chantonnait un air. Christophe en fredonnait quelques phrases. Mais il s’interrompait à tout moment, l’oreille aux aguets :

— Je crois que je les entends.

Myrrha continuait de chanter.

— Tais-toi un instant, veux-tu ?

Myrrha s’interrompait.

— Non, ce n’est rien.

Elle reprenait sa chanson.

Christophe ne tenait plus en place :

— Ils se sont peut-être perdus.

— Perdus ? On ne peut pas se perdre. Ernst sait tous les chemins.

Une idée baroque traversa la tête de Christophe :

— S’ils étaient arrivés les premiers, et s’ils étaient repartis d’ici avant notre arrivée !

Myrrha, étendue sur le dos, et regardant le ciel, fut prise d’un fou rire au milieu de son chant, et faillit s’étrangler. Christophe s’obstinait. Il voulait redescendre à la station, où il disait que leurs amis devaient être déjà. Myrrha se décida enfin à sortir de son immobilité.

— Ce serait le bon moyen de les perdre !… Il n’a jamais été question de la station. C’est ici qu’on doit se retrouver.

Il se rassit près d’elle. Elle s’amusait de son attente. Il sentait son regard ironique qui l’observait. Il commençait à s’inquiéter sérieusement — à s’inquiéter pour

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