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Malgré toutes ses roueries, Ernst était dans un piteux état, quand il se présenta chez sa mère. Il venait de Munich, où il avait trouvé et, suivant son habitude, perdu presque aussitôt sa dernière place. Il avait dû faire à pied la plus grande partie du chemin, par des pluies torrentielles, et couchant Dieu sait où. Il était couvert de boue, déchiré, semblable à un mendiant, et toussait lamentablement ; car il avait pris en route une mauvaise bronchite. Aussi Louisa fut bouleversée, et Christophe courut à lui, ému, quand ils le virent entrer. Ernst, qui avait la larme facile, ne manqua pas d’user de cet effet ; et ce fut un attendrissement général : ils pleurèrent tous trois dans les bras l’un de l’autre.

Christophe donna sa chambre ; on bassina le lit, on y coucha le malade, qui semblait près de rendre l’âme. Louisa et Christophe s’installèrent à son chevet, se relayèrent pour le veiller. Il fallut un médecin, des remèdes, un bon feu dans la chambre, une nourriture spéciale.

Il fallut songer ensuite à l’habiller des pieds à la tête : linge, chaussures, vêtements, tout était à renouveler. Ernst se laissait faire. Louisa et Christophe se saignaient aux quatre membres pour parer aux dépenses. Ils étaient fort gênés, en ce moment : le nouvel

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