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l’adolescent

suis pas ce que tu cherches. Je le voudrais, que je ne le pourrais pas. Et je ne le veux pas.

— Tu es bien fier de ton intelligence ! Tu aimes mieux ton intelligence que moi.

— Mais c’est toi que j’aime, ingrate, plus que tu ne t’aimes toi-même. Je t’aime d’autant plus que tu es plus belle et meilleure.

— Tu es un maître d’école, dit-elle avec dépit.

— Que veux-tu ? J’aime ce qui est beau. Ce qui est laid me dégoûte.

— Même chez moi ?

— Surtout chez toi.

Elle tapa rageusement du pied :

— Je ne veux pas être jugée.

— Plains-toi donc de ce que je te juge et de ce que je t’aime, dit-il tendrement, pour l’apaiser.

Elle se laissa prendre dans ses bras, et daigna même sourire et permettre qu’il l’embrassât. Mais après un moment, quand il croyait qu’elle avait oublié, elle demanda, inquiète :

— Qu’est-ce que tu trouves de laid en moi ?

Il se garda bien de le lui dire ; il répondit lâchement :

— Je ne trouve rien de laid.

Elle réfléchit un moment, sourit, et dit :

— Écoute un peu, Christli, tu dis que tu n’aimes pas le mensonge ?

— Je le méprise.

— Tu as raison, dit-elle, je le méprise aussi. Du reste, je suis bien tranquille, je ne mens jamais.

Il la regarda : elle était sincère. Cette inconscience le désarmait.

— Alors, continua-t-elle, en lui passant les bras autour

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