Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 3.djvu/179

Cette page a été validée par deux contributeurs.


Il était maintenant de toutes ses promenades, en compagnie de demoiselles de magasin et de commis de boutique, dont la vulgarité ne lui plaisait guère, et qu’il essayait de perdre en chemin ; mais Ada, par esprit de contradiction, n’était plus disposée à s’égarer dans les bois. Lorsqu’il pleuvait, ou que, pour quelque autre raison, on ne sortait pas de la ville, il la menait au théâtre, au musée, au Thiergarten ; car elle tenait à se montrer avec lui. Elle désirait même qu’il l’accompagnât à l’office religieux ; mais il était si absurdement sincère, qu’il ne voulait plus mettre les pieds dans une église, depuis qu’il ne croyait plus — (il avait renoncé, sous un autre prétexte, à sa place d’organiste) ; — et en même temps, il était resté, à son insu, beaucoup trop religieux, pour ne pas trouver sacrilège la proposition de Ada.

Il allait le soir chez elle. Il trouvait là Myrrha, qui logeait dans la même maison. Myrrha ne lui gardait pas rancune, elle lui tendait sa main caressante et molle, causait de choses indifférentes ou lestes, et s’éclipsait discrètement. Jamais les deux femmes n’avaient semblé meilleures amies, que depuis qu’elles avaient moins de raisons de l’être : elles étaient toujours ensemble. Ada n’avait rien de secret pour Myrrha, elle lui racontait tout ; Myrrha écoutait tout : elles semblaient y prendre autant de plaisir l’une que l’autre.

163