teau. Le brouillard n’était pas encore dissipé ; mais le soleil brillait au travers : on flottait au milieu d’une lumière laiteuse. Ada, assise à l’arrière avec Christophe, l’air assoupi et boudeur, grognait que la lumière lui venait dans les yeux, et que, toute la journée, elle aurait mal à la tête. Et comme Christophe ne prenait pas assez au sérieux ses doléances, elle se renferma dans un silence maussade. Elle avait les yeux à peine ouverts, et l’amusante gravité des enfants qui viennent de se réveiller. Mais une dame élégante étant venue s’asseoir non loin d’elle, à la station suivante, elle s’anima aussitôt, et s’efforça de dire à Christophe des choses sentimentales et distinguées. Elle avait repris avec lui le « vous » cérémonieux.
Christophe se préoccupait de ce qu’elle dirait à sa patronne, pour excuser son retard. Elle ne s’en inquiétait guère :
— Bah ! ce n’est pas la première fois.
— Que quoi ?…
— Que je suis en retard, dit-elle, vexée de la question.
Il n’osa demander la cause de ces retards.
— Qu’est-ce que tu lui diras ?
— Que ma mère est malade, morte…, est-ce que je sais ?
Il fut peiné qu’elle parlât si légèrement.
— Je ne voudrais pas que tu mentes.
Elle se froissa :
— D’abord, je ne mens jamais… Et puis, je ne peux pourtant pas lui dire…
Il demanda, moitié plaisant, moitié sérieux :
— Pourquoi pas ?