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l’adolescent

avec Otto : il accepta sans hésiter. Elle s’amusa à le bombarder de prunes. Quand il eut mangé, elle dit :

— Maintenant !…

Il prit un malin plaisir à la faire attendre. Elle s’impatientait sur son mur. Enfin il dit :

— Allons !

et lui tendit les bras.

Mais au moment de sauter, elle se ravisa :

— Attendez ! Il faut d’abord faire des provisions !

Elle cueillit les plus belles prunes, qui étaient à sa portée, et en remplit son corsage rebondi :

— Attention ! Ne les écrasez pas !

Il avait presque envie de le faire.

Elle se baissa sur le mur, et sauta dans ses bras. Bien qu’il fût solide, il plia sous le poids, et faillit l’entraîner en arrière. Ils étaient de même taille. Leurs figures se touchaient. Il baisa ses lèvres humides et sucrées du jus des prunes ; et elle lui rendit son baiser sans plus de façons.

— Où allez-vous ? demanda-t-il.

— Je ne sais pas.

— Vous vous promeniez seule ?

— Non. Je suis avec des amis. Mais je les ai perdus… Hé ho ! fit-elle brusquement, en appelant de toutes ses forces.

Rien ne répondit.

Elle ne s’en préoccupa pas autrement. Ils se mirent à marcher, au hasard, droit devant eux.

— Et vous, où allez-vous ? dit-elle.

— Je n’en sais rien non plus.

— Très bien. Nous allons ensemble.

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