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Jean-Christophe

sa figure ronde encadrée de cheveux blonds frisottants, qui faisaient autour d’elle comme une poussière de soleil, ses joues pleines et roses, ses larges yeux bleus, son nez un peu gros, impertinemment retroussé, sa bouche petite et très rouge, montrant des dents blanches, aux canines fortes et avançantes, son menton gourmand, et toute son abondante personne, grande et grasse, bien faite, solidement charpentée. Il lui cria :

— Bon appétit !
et voulut continuer son chemin. Mais elle l’appela :

— Monsieur ! Monsieur ! Voulez-vous être gentil ? Aidez-moi à descendre. Je ne peux plus…

Il revint, et lui demanda comment elle avait fait pour monter.

— Avec mes griffes… C’est toujours facile de monter…

— Surtout quand il y a des fruits appétissants qui pendent au-dessus de votre tête…

— Oui… Mais quand on a mangé, on n’a plus de courage. On ne peut plus retrouver le chemin.

Il la regardait, perchée. Il dit :

— Vous êtes très bien ainsi. Restez là bien tranquille. Je viendrai vous voir demain. Bonsoir !

Mais il ne bougea pas, planté au-dessous d’elle.

Elle feignit d’avoir peur, et le supplia, avec de petites mines, de ne pas l’abandonner. Ils restaient à se regarder, en riant. Elle dit, en lui montrant la branche, à laquelle elle était accrochée :

— En voulez-vous ?

Le respect de la propriété ne s’était pas développé chez Christophe, depuis le temps de ses courses

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