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Après l’été pluvieux, l’automne rayonnait. Dans les vergers, les fruits pullulaient sur les branches. Les pommes rouges brillaient comme des billes d’ivoire. Quelques arbres déjà revêtaient hâtivement leur plumage éclatant de l’arrière-saison : couleur de feu, couleur de fruits, couleur de melon mûr, d’orange, de citron, de cuisine savoureuse, de viandes rissolées. Des lueurs fauves s’allumaient de toutes parts dans les bois ; et des prairies sortaient les petites flammes roses des colchiques diaphanes.

Il descendait une colline. C’était une après-midi de dimanche. Il marchait à grands pas, courant presque, entraîné par la pente. Il chantait une phrase, dont le rythme l’obsédait depuis le commencement de la promenade. Rouge, débraillé, il allait, agitant les bras, et roulant les yeux comme un fou, lorsqu’à un tournant du chemin, il se trouva brusquement en présence d’une grande fille blonde, qui, juchée sur un mur, et tirant de toutes ses forces une grosse branche d’arbre, se régalait goulûment de petites prunes violettes. Ils furent aussi surpris l’un que l’autre. Elle le regarda, effarée, la bouche pleine ; puis elle éclata de rire, Il en fit autant. Elle était plaisante à voir, avec